Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le temps des Avelines

Le temps des Avelines


Ne te retourne pas...

Publié par Tinuviel sur 22 Janvier 2009, 13:52pm

Catégories : #POEMES EN VRAC

A toi...


Surtout n'écoute pas ce que je vais te dire.

Ne me regarde pas.

Ne te retourne pas.

Continue de partir…


Continuons à jouer, chacun pour soi,

Dignement,

Cette partition inachevée,

Jusqu’au bout de la dissonance.

Dansons-la, chacun dans sa nuit,

Cette valse lunaire

Où les destins saoulés de leur toute-impuissance,

Se trompent d’heure, de route, de sens,

Et rebroussent chemin, sans un regard,

En riant comme des fous dans le calme du soir ;

Où les dieux de l’absurde et du rien s’amusent

A bâtir puis écraser des mondes de cristal,

Indifférents au sort de leurs petits soldats

De carton.


Continue de partir, ne te retourne pas

Si tu te retournais… oh, si tu te retournais…


Continue l’absence,

Continue le vide.

Le simulacre d’un ordre nouveau,

La bienséance des émotions bien ordonnées,

Bien calibrées,

Lisses et tièdes comme un mauvais champagne

De lendemain de joie

Qui déchante ;

Des émotions,

Creuses comme mon ventre avorté qui hurle

Ouvert sur la nuit vide comme un soldat sans mère,

Et qui ne comprend pas encore

Que tout s’achève ici.

Creuses comme le manque,

Comme l’élan figé qui crucifie mes mains

En prière inutile,

Qui dresse au bord du gouffre

Mon poing planté au ciel.


Continue de partir, ne te retourne pas

Si tu te retournais… oh, si tu te retournais…


Laisse-moi te murmurer,

A voix si basse que tu n’entendras pas,

Des mots qui grondent

Comme torrent de montagne au dégel,

Sauvages et libres,

Chevaux andalous lancés à plein galop

Vers l’inconnu de terres nouvelles

Qu’ils n’atteindront jamais.

Des mots plus tendres aussi, frais comme brume d’été,

Et qui pour toi s’enrobent de miel et puis de feu

Pour te laisser en bouche

Ce goût unique et contrasté

D’une illusion douce-amère,

Echouée sur le sable de nos impossibles,

Mais qui palpite encore

D’un souffle de vie

Inutile.

Des mots

Que le vent cynique,

le vent grinçant

Emportera et empalera aux branches mornes

Des arbres déchiquetés,

Silhouettes mourantes

Tatouées sur le ciel de l’hiver

Comme autant de promesses âcres et dénudées,

D’où la sève s’enfuit

Abandonnant l’espoir

Au prochain renouveau.


Continue de partir, ne te retourne pas.


Ne te retourne plus.


Continue le chemin vers d’autres horizons,

Riche de ces quelques fleurs d’hiver

Inattendues,

Que nous avons maraudées

En riant

Sur les chemins buissonniers

De nos douces chimères.


Laisse-moi seulement semer quelques bouts de mon âme

Dans le sillon profond que tu laisses

Au creux de mon limon fertile ;

Dans cette terre odorante

Labourée de nos mains,

Béante et offerte.

Laisse-moi semer

Quelques graines timides,

Et puis attendre, en dormance moi aussi,

Comme ce sol nu au ventre ouvert.

Me lover, fœtus tourmenté terminant son voyage

Au cœur de l’impossible.

Laisser tourner les heures, les jours, les semaines, les mois…

Laisser œuvrer le temps, la lumière et la pluie,

Attendre l’embellie,

Pour que, peut-être,

Demain,

Après-demain

Lève le blé nouveau

Encore fragile et tendre

Mais dressé vers le ciel,

Généreuse récolte d’une saison nouvelle

Au ciel moins déchiré,

Aux couleurs apaisantes,

A la douceur tranquille.

Et pour que nous puissions un jour,

Ensemble,

Disperser dans le vent

Les cendres de nos rêves

Ayant changé de peau.

 

 

Françoise Jeurissen / Tinuviel

Décembre 2008

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
Je pourrais laisser le même commentaire que toi, Tinuviel. Je m'arrête ici pour la forte émotion qui me vient à te lire, comme je pourrais m'arrêter ailleurs... Tellement tes mots font écho à ma sensibilité. <br /> <br /> J'aurais aimé écrire ce texte...
Répondre

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents